samedi 17 septembre 2011

L'anarchie, le plus parfait des systèmes

Vivre sans feux rouges, c’est possible !
La Suisse vient d’expérimenter l’anarchie routière

De mémoire de Lausannois, on n’avait jamais vu ça. Ce mercredi 7 septembre, entre 7h45 et 8h50 du matin, une quinzaine de jours après la rentrée des classes, en pleine semaine et à l’heure de pointe, il n’y avait pratiquement aucun bouchon dans la capitale vaudoise. Selon Georges-Marie Bécherraz, qui rapporte l’événement pour 24heures.ch, « le trafic s’est écoulé avec une fluidité comme on n’en voit que le dimanche à une heure pareille de la journée ». L’origine de ce petit miracle ? Eh bien tout simplement une panne d’électricité qui a rendu les feux de circulation inopérants dans une bonne partie du centre-ville. Pendant un peu plus d’une heure, la circulation de Lausanne n’était plus régulée ; c’était, à proprement parler, l’anarchie.

On aurait pu s’attendre à un embouteillage monstre, à de la tôle froissée et à quelques solides empoignades entre Helvètes exaspérés mais rien de tout cela ne s’est produit : la circulation a rarement été aussi fluide, on n’a pas déploré le moindre accrochage et tout s’est passé dans la bonne humeur.

Ce que nos voisins vaudois ont vécu est une expérience de coopération sociale. Et ce qui fait toute la valeur de cette expérience, c’est qu’elle n’avait été prévue ou voulue par personne et qu’elle s’est déroulée dans une ville de taille tout à fait respectable. Et ça a marché ! Pendant une grosse heure, l’anarchie routière a créé une circulation fluide, sûre et fondée sur la seule bonne volonté des automobilistes.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’idée selon laquelle une absence quasi-totale de règlementation routière serait supérieure à notre arsenal législatif actuel n’est pas vraiment nouvelle. Depuis des années déjà, des gens tout à fait sérieux défendent cette idée. Hans Monderman, ingénieur de la circulation hollandais, a même eu l’occasion de la tester en grandeur nature dans la petite ville de Drachten aux Pays-Bas. Bilan des courses : non seulement la circulation est parfaitement fluide mais le nombre d’accidents constatés dans les rues de Drachten a été divisé par quatre depuis que l’anarchie1 y règne ; piétons, cyclistes et automobilistes y vivent en harmonie, sans signalisation ni voies réservées. Depuis, plusieurs villes du nord de l’Europe s’y sont mises. Au point que le maire de Londres semble depuis quelques temps, séduit par l’idée.

Le fait est là : partout où l’expérience a été tentée, la coopération sociale spontanée s’est révélée plus efficiente et plus sûre que les systèmes codifiés et coercitifs qui dominent aujourd’hui. Sachant qu’ils ne sont plus protégés par la signalisation, les gens roulent plus prudemment, restent attentifs à leur environnement, se montrent volontiers plus courtois et abandonnent les comportements dangereux induits par la signalisation elle-même2. En l’absence de passages piétons et de pistes cyclables, une nouvelle hiérarchie émerge dans laquelle les usagers les plus fragiles sont prioritaires sans pour autant abuser de cette position. D’un système fondé sur une régulation arbitraire du trafic, on passe ainsi à une autogestion infiniment plus souple, qui s’adapte d’elle-même au cas par cas et ne repose plus sur la contrainte mais l’intérêt bien compris de tous.

C’est en tout cas ce que semble en avoir retenu M. Matthey, le chef du Service lausannois des routes et de la mobilité, qui envisage la possibilité de reconduire l’expérience en le faisant exprès cette fois-ci. Il est amusant d’imaginer la réaction d’un élu local si quelqu’un avait l’idée saugrenue de lui proposer de laisser ses administrés s’administrer eux-mêmes : « Laisser les gens faire ? Mais vous n’y songez pas malheureux ! Ce serait l’anarchie ! ».

causeur

7 commentaires:

  1. Je ne sais plus dans quelle petite ville anglaise, une expérience similaire a eu lieu. Les autorités ont décidé d'éteindre les feux rouges d'un gros carrefour qui posait problème.

    Et ils ont constaté le même phénomène qu'en Suisse ... il y a maintenant moins de bouchons et la circulation est beaucoup plus fluide qu'avant !

    Du coup ... ils ont eu l'intelligence de ne pas rallumer les feux et de laisser l' ""anarchie"" fonctionner :-)

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  2. Un feu vert n'a jamais été un gage de sécurité. Il m'arrive au contraire, passer une certaine heure, de franchir un carrefour vert avec d'infinie précaution. A l'inverse il m'arrive de démarrer à un feu rouge à la condition qu'il y ait une bonne visibilité. Je pense effectivement que l'absence de feu n'est pas un problème. Nous avons un cerveau, faut juste prendre conscience qu'on peut aussi s'en servir.

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  3. Bé non, pask'il y aura toujours des dingos....
    ou des circonstances qui les rendent tels.

    et une expérience d'une heure ou d'un jour, c'est pas pareil à un usage répété d'endroits risqués, ou un usage par un couillon qui connait pas l'endroit...

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  4. le bon compromis c'est de faire des ronds-points, voilà tout...

    question "anarchisme", on peut se demander si le "causeur" voudra bien appliquer ce beau concept à des choix individuels (là où y a pas de risque pour autrui, et où la liberté peut être totale), comme la liberté thérapeutique...On sera très curieux de voir ça...mais apparemment c'est encore loin du compte, "curieusement"...vu que j'viens déjà de tomber sur un article d'un gars "condamné" ("cancer terminal") dégoulinant de conformisme et de soumission aux "Hautes Autorités Pharmaco-Hospitalière" ;-))))

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  5. "Sachant qu’ils ne sont plus protégés par la signalisation, les gens roulent plus prudemment, restent attentifs à leur environnement, se montrent volontiers plus courtois et abandonnent les comportements dangereux induits par la signalisation elle-même2"

    Effectivement (dans mon cas) dès qu'un feu de signalisation est en panne, je fais bcp plus attention a gauche, a droite, devant, ....

    @Bop, rond point bonne idée et peut être des casses vitesse avant chaque croisements??

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  6. Superbe, je vais aussi avoir une base d'argumentation face à la gendarmerie qui tot ou tard, va me tomber dessus. Je comptais faire une lettre, voilà davantage de substance pour la rédiger.
    :D
    La bise...
    (Maha taffe pour moi en ce moment :D bien involontairement)

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